LIVRE ~ Sarah BERNHARDT par Françoise SAGAN


j’ai toujours aimé Zola

« Le drapeau de la vérité est placé dans la main de l’illustre mort couché sous les voûtes glorieuses.
Ce drapeau claquera plus haut que les aboiements de la meute. »
Sarah Bernhardt,

Alfred Dreyfus L’honneur d’un patriote
Vincent Duclert, Fayard 2006, p.1010.





SARAH BERNHARDT "Le rire incassable"
Françoise SAGAN
Robert Laffont « elle était une fois »
Éditions Robert Laffont, S.A., Paris, 1987
ISBN 2-221-05195-5 246 pages




Extrait pages 129-130

(…) J’adore les musiques militaires, l’idée de la France me fait pleurer à chaudes larmes et le courage de nos braves soldats trembler d’admiration ! Voilà ! Mon amoralité n’est pas remise en question pour cela, mais mon patriotisme est irréversible. Je suis Française, je précise, et patriote, sauf dans le sens où le comprennent certaines vieilles et hypocrites badernes de notre époque (et sans doute de la vôtre). J’aime la France « Juste », d’abord et surtout. Par exemple, j’ai toujours aimé Zola : le matin où l’Aurore publia « J’Accuse », je vins chez lui, et quand la foule hurlante voulut le lyncher, c’est moi qui apparus à la fenêtre et qui le calmai. Vous ne le saviez pas ? Eh bien, je vous l’apprends ! J’ai horreur du racisme, j’aime les étrangers, tout autant que j’aime mon pays, car c’est en les accueillant que la France m’a permis d’être française. Rien au monde ne me ferait rejeter ceux qui rêvent de prendre mon pays pour patrie.

Et puis en dehors de toute idée de nation, un être humain est un être humain ! Si j’ai parfois été dure envers certains hommes, j’ai toujours aimé « l’homme », l’individu et la foule. Peut-être, entre ces deux idées générales, de nombreux personnages du sexe masculin ont-ils eu à pâtir par ma faute, mais ils ont été peu à s’en plaindre ! J’ai toujours gardé mes amants comme amis. Est-ce si mauvais signe, pour une femme fatale et cruelle ?

Je faillis donc me faire lyncher par les ennemis de Zola. Mais ce n’est pas seulement la foule que j’ai dû défier : au moment de l’affaire Dreyfus, je me suis brouillée avec mon propre fils : Maurice avait été assez sot pour s’engager dans la Ligue patriote, qui était capable de tout, y compris de l’antisémitisme le plus primaire et le plus sot, et le plus ignoble. J’ai été brouillée avec mon propre fils pendant près d’un an et je crois avoir souffert de cette séparation plus que d’aucune de mes brouilles avec aucun amant. Mais je n’avais pas le choix. La justice en moi est plus forte que l’amour. (…)

~~~

La biographie de Sarah Bernhardt que Françoise Sagan nous présente ici est non traditionnelle pour ne pas dire contraire à toutes les traditions. Pour sa première expérience de biographie, Françoise Sagan s’est distinguée de tous ceux qui ont encensé Sarah, de tous ceux qui l’ont condamnée, en prenant le parti d’interroger directement son héroïne. Des mensonges et des aveux de celle qui fut la première star du théâtre, sort ainsi une vérité qu n’a ni les rigueurs de la vérité classique ni la mollesse douteuse de la mythomanie. Une verste ambiguë, et comme distraite, qui nous livre une Sarah plus vivante, plus brûlante, plus drôle surtout que celle que nous connaissions jusqu’ici, drôle jusque dans les plus tragiques moments de son existence, d’où le titre du livre : le rire incassable

Quant à Françoise Sagan, dans ce portrait-kaléidoscope, ce portait-miroir, ce portrait-écho très inattendu, elle pétille d’intelligence, de verve, d’esprit, de cet esprit volontiers provocateur qui lui va à ravir.

Elle était une fois, collection dirigée par Marie-Josèphe Guers

C’est une collection de rencontres entre une femme d’aujourd’hui et une femme du temps jadis. L’une écrit, l’autre chante, peint, courtise, pose, compose ou joue. C’est une collection de biographies, mais de biographies littéraires où la voix de l’auteur, sa musique, son style comptent autant le personnage auquel il s’attache. C’est une collection de biographies-miroirs, où deux femmes se reflètent, se font écho, se répondent.

Ainsi s’instaure entre elles, par-delà les époques, un échange insolite qui renouvelle les lois du genre et fait de ces livres beaucoup mieux que des biographies : de surprenants dialogues de femmes.


~ ~ ~

" Édité dans le but de mieux connaître et aimer Émile ZOLA "


Aucun commentaire: