"Emile Zola, de J'Accuse au Panthéon
Alain PAGÈS
Editions Lucien Souny, avril 2008.
ISBN 978-2-84886-183-8
Présentation de l'éditeur:
Juin 1908… Il y a tout juste cent ans, Zola entrait au Panthéon. Six ans après sa mort brutale (probable assassinat ?), c’est le dernier acte de l’incroyable procès qui lui a été fait et de l’acharnement médiatico-judiciaire qui, du 7 au 23 février 1898, divisa la France.
Le 13 janvier 1898 , Émile Zola relance l’affaire Dreyfus. En publiant dans L’Aurore son célèbre « J’Accuse… ! », l’auteur des Rougon-Macquart met le feu aux poudres. L’opinion se déchire. Procès en cour d’assises, exil en Angleterre, Zola paie cher son engagement d’intellectuel. Mais, grâce à lui, le cours de l’Histoire est renversé ; et plus rien, dès lors, ne pourra arrêter la vérité en marche.
Une passionnante fresque historique !
Première partie. La Vérité en marche
Chapitre I : Octobre 1897. « La littérature est au sommet » 17
Chez l’illustre écrivain 17
Le désir de transparence 23
L’enquête du Dr Toulouse 26
La priorité des lettres 29
Le roman de la justice 33
Chapitre II : Novembre 1897. « Une vie de cristal » 37
L’invitation de Scheurer 37
La férocité des foules 45
L’Affaire comme roman-feuilleton 51
Chapitre III : Décembre 1897. « Le syndicat » 59
La bataille de l’opinion 59
Le répertoire des causeries 67
Tableaux de groupe 71
Chapitre IV : Janvier 1898. « J’Accuse… ! » 81
Une parole en acte 82
Au siège de L’Aurore 86
Histoire d’un texte 89
Le mouvement des “intellectuels” 97
Lettres d’inconnus 102
Chapitre V : Février 1898. « Dreyfus est innocent » 113
La bataille judiciaire 114
Scènes de prétoire 117
Images d’un procès 126
Chapitre VI : Février 1898. « Cannibales ! » 139
L’accusé 140
Le clan des militaires 149
Paroles d’experts 152
Le dossier d’Auguste Dutrieux 157
Le “maître” et le “héros” 165
Chapitre VII : Mai 1898. « Mon père, François Zola » 175
Le Théâtre de l’Œuvre 177
La cour d’assises de Versailles 180
Ernest Judet 185
De Barrès à Brunetière 192
Nouvelles alliances 196
Chapitre VIII : Juillet 1898. « Vous venez de tuer l’idéal » 203
Le discours de Cavaignac 203
Retour à Versailles 205
L’exil 210
Hommages et caricatures 214
Deuxième partie. Sous le regard de l’Histoire
Chapitre IX : Mars 1899. « Des étoiles nouvelles » 225
Le silence du tombeau 225
Jeanne 228
Angeline 234
La visite de Jaurès 236
Chapitre X : Février 1901. « La simple déposition d’un témoin » 239
L’apaisement 240
Un recueil pour l’Histoire 243
Offrir du rêve 247
Chapitre XI : Septembre 1902. « Demain nous serons guéris » 251
La dernière nuit 252
Les obsèques 255
L’instruction judiciaire 263
Le témoignage de Pierre Hacquin 266
Henri Buronfosse 269
La Ligue des Patriotes 272
La vie à Sarcelles 275
Le moment de la confession 283
Le prénom dérobé 285
Les souvenirs de Jouvensel 287
Chapitre XII : Juin 1908. « Gloire à Zola ! » 293
Le débat parlementaire 293
Monuments dreyfusards 306
Préliminaires 311
La cérémonie du Panthéon 315
Alexandrine 321
L’apothéose de Zola 325
Le carnaval des caricatures 331
L’affaire Dreyfus révisée 336
Notes 349
Notices biographiques 384
Chronologie de l’affaire Dreyfus 393
Bibliographie 395
Index 406
Transcription André Paillé
Source http://www.fabula.org:80/actualites/article23536.php
AUDIO ~ Europe 1
Sur le Site ezola.fr (J-S Macke)
vous pouvez ré-entendre l'émission de Frank Ferrand
"Alain Pagès évoque Emile Zola au Panthéon"
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L`entrée fracassante de Zola au Panthéon
Après les débats sur la panthéonisation d`Aimé Césaire et au moment du centenaire de celle d`Emile Zola, Jérôme Garcin a choisi cette semaine de nous raconter les conditions houleuses sinon épiques dans lesquelles les cendres de l`auteur de "J`accuse", quatre ans après sa mort, reçurent les honneurs de la patrie reconnaissante. "Emile Zola, de J`accuse au Panthéon c`est le livre", d`Alain Pagès, dont Jérôme Garcin nous lit des extraits.
22/05/2008
«Emile Zola, de J'accuse au Panthéon», c'est le titre du livre d'Alain Pagès dont Jérôme Garcin nous lit un extrait, avant de nous présenter l'émouvant témoignage de l'arrière-petite fille de l'écrivain, Brigitte Emile-Zola: «Mes étés à Brienne».
La tendance de Jérôme Garcin
Un pornographe au Panthéon
Par Jérôme Garcin
On a oublié la haine gratinée, la rancoeur recuite, la xénophobie réchauffée, l'antisémitisme bouilli, et tous ces plats brûlés d'une France à vomir. Même mort (peutêtre même assassiné, en 1902, par asphyxie), le dreyfusard Emile Zola a continué de susciter une exécration sauvage. La célébration du centenaire de sa panthéonisation ne doit pas cacher la vérité: on a voulu tuer une seconde fois l'auteur de «J'accuse» et profaner son tombeau.
Un excellent livre d'Alain Pagès (Lucien Soumy, 21 euros) rappelle les faits et la chronologie de la honte. En 1906, en même temps que la réhabilitation de Dreyfus, est proposé aux députés le transfert des cendres de Zola au Panthéon. Mais il faudra deux ans pour qu'il ait lieu. Deux années interminables pendant lesquelles, à la tribune des deux Chambres, l'auteur des «Rougon-Macquart» est traîné dans la boue, traité de «pornographe», accusé d'avoir «diffamé la race française» et interdit de Panthéon par Maurice Barrès qui reproche ses «origines italiennes» à celui dont «l'oeuvre fait horreur». La belle plaidoirie de Clemenceau «Zola eût affronté l'humanité pour la justice et la vérité» et la réplique cinglante de Jaurès «La gloire de Zola est de n'avoir pas conçu l'art à la façon de M. Barrès, comme un étang mélancolique et trouble...»- emporteront in fine le vote des députés, par 356 voix contre 164, en faveur du transfert.
Il se déroule le 4 juin 1908 dans une atmosphère de guerre civile. Malgré l'exécution de «la Marseillaise» et la présence du président Fallières, la furie des patriotes se déchaîne, qui hurlent «Zola aux chiottes!». Sur les marches du Panthéon, un journaliste du «Gaulois», Louis Grégori, tire à bout portant sur Alfred Dreyfus. Il voulait «venger l'armée» et tuer «le traître» qui veillait, écrit Léon Daudet, «la dépouille du métèque Zola». Aux grands hommes la Patrie reconnaissante? Aujourd'hui, sans doute. Mais hier, non.
Jérôme Garcin.
En vidéo... L'entrée fracassante de Zola au Panthéon
http://tempsreel.nouvelobs.com/videos/index_rub.php?id_rubrique=3&id_video=3684
Source: «le Nouvel Observateur» du 29 mai 2008.
Juin 1908... Il y a tout juste cent ans, Zola entrait au Panthéon. Six ans après sa mort brutale (probable assassinat ?), c'est le dernier acte de l'incroyable procès qui lui a été fait et de l'acharnement médiatico-judiciaire qui, du 7 au 23 février 1898, divisa la France.
Le 13 janvier 1898, Emile Zola relance l'affaire Dreyfus. En publiant dans L'Aurore son célèbre «J'Accuse... !», l'auteur des Rougon-Macquart met le feu aux poudres. L'opinion se déchire. Procès en cour d'assises, exil en Angleterre, Zola paie cher son engagement d'intellectuel. Mais, grâce à lui, le cours de l'Histoire est renversé ; et plus rien, dès lors, ne pourra arrêter la vérité en marche.
Spéte de Zola et du mouvement naturaliste, Alain Pagès, professeur de littérature française à l'Université de Paris III-Sorbonne nouvelle, remet à plat le dossier Zola-Dreyfus, et le confronte au regard de l'Histoire. De «J'Accuse... !» jusqu'à la panthéonisation, en passant par le procès de l'écrivain, c'est la société française tout entière qui comparaît devant la justice. Une passionnante fresque historique !
La panthéonisation d'Emile Zola a été célébrée au cours d'une cérémonie officielle qui s'est déroulée dans la matinée du 4 juin 1908. Le cercueil de l'écrivain était placé sur une estrade funéraire, dans la nef centrale du monument. Après un prologue musical, le président de la République, Armand Fallières, et le président du Conseil, Georges Clemenceau, ont écouté un long discours du ministre de l'Instruction publique, Gaston Doumergue, exaltant le courage de l'auteur de J'accuse. Puis on a exécuté la seconde partie du programme musical et un défilé militaire a suivi. La foule des invités allait quitter le monument lorsque deux coups de feu ont retenti. Ils visaient Alfred Dreyfus, qui assistait à la cérémonie. L'auteur de cet attentat était un journaliste du nom de Grégori qui, lorsqu'on l'a arrêté, s'est présenté comme un «fervent patriote» et a déclaré n'avoir pu supporter l'humiliation infligée à l'armée française. Son geste répondait aux clameurs des manifestants nationalistes qui, au même moment, entouraient le Panthéon en hurlant leur indignation.
En cette matinée de juin 1908, l'affaire Dreyfus se rejouait encore, avec un nouveau drame. En honorant la mémoire de Zola, le gouvernement dirigé par Clemenceau souhaitait rendre hommage à l'un des grands acteurs du combat dreyfusard et achever l'oeuvre de réhabilitation commencée en juillet 1906 avec l'annulation par la Cour de cassation de la condamnation d'Alfred Dreyfus. Mais il le faisait dans une France qui demeurait profondément déchirée par les bouleversements qu'elle avait traversés. «L'âpre bataille que Zola déchaîna toute sa vie continuait et c'était bien l'atmosphère de flamme et de tempête convenant à la circonstance», a pu écrire le musicien Alfred Bruneau, l'un des témoins de l'événement.
C'est cette histoire «de flamme et de tempête» que ce livre voudrait raconter, en revenant sur la destinée de l'écrivain dont les cendres ont été déposées dans la crypte du Panthéon, par une claire journée de l'été 1908.
Extrait de l'introduction
Fiche détaillée : "Emile Zola" de Alain Pagès
Auteur Alain Pagès
Editeur Lucien Souny
Date de parution avril 2008
Format 16 cm x 24 cm
ISBN 2848861835
Illustration Pas d'illustrations
http://livre.fnac.com/a2216980/Alain-Pages-Emile-Zola?SID=d685e1b5-2b78-d62f-ebdb-cd191d74af60&UID=04D0DE5C2-C84B-E4DC-D7F5-C5FED87FDB5B&Origin=BIBLIOBS&OrderInSession=1&TTL=271120081330
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Une leçon de vigilance
Sophie Guermès
Émile Zola, de J’accuse au Panthéon,
Alain Pagès,
édition Lucien Souny, 2008, 414 p.
Avec ce nouveau livre, Alain Pagès ne retrace pas seulement la lutte d’un des plus grands romanciers français contre l’ « obstinée volonté de ténèbres » qui anima l’armée, ainsi qu’une partie du monde politique, intellectuel et catholique, tout au long de l’affaire Dreyfus ; il poursuit son enquête, au delà de la mort de Zola (1902) et de la réhabilitation de Dreyfus (1906), jusqu’au dernier acte d’un drame qui avait commencé en décembre 1894 avec l’arrestation du capitaine. Ce dernier acte, c’est la translation des cendres de Zola au Panthéon1. 13 janvier 1898 — 4 juin 1908 : dix ans de luttes, de violences, d’intrigues, d’ajournements, de victoires. Dix ans qui forment une cohérence. Les premiers chapitres constituent la version entièrement remaniée d’un précédent ouvrage, Émile Zola, un intellectuel dans l’affaire Dreyfus, paru aux éditions Séguier en 1991 ; les derniers chapitres, qui composent la seconde partie, sont entièrement inédits.
Comment la parole se fit acte : on pourrait ainsi résumer l’engagement d’un écrivain qui avait dénoncé la misère sociale et l’injustice dans plusieurs de ses romans, jusqu’à celui qu’il terminait alors, Paris, troisième et dernier volume des Trois Villes, et qui venait d’écrire, en mai 1896, un vibrant article, Pour les juifs – à cette époque, il avait à peine entendu parler de Dreyfus : il dénonçait l’antisémitisme au nom de « l’universelle tolérance ». À la clôture qu’il détestait, parce qu’elle signifiait à la fois l’absence de liberté, la peur et l’opacité (Plassans, déjà, se fermait sur elle-même ; le « monde noir » de Rome était encore un monde clos, de même que celui de l’armée française auquel il se heurtait brusquement), Zola a opposé la clarté ; au procès à huis-clos, il a répondu par le coup d’éclat de J’accuse. Rêvant d’une œuvre qui ressemblerait à une « maison de verre », offrant son cerveau comme un « crâne de verre », il s’était prêté en 1895 à l’enquête du docteur Toulouse ; et les mots de « vérité » et de « justice » allaient scander la fin de son œuvre. Pour autant, rien n’a été précipité, dans son engagement. Au moment où il accepte un déjeuner chez le président du Sénat Scheurer-Kestner, en décembre 1897, Dreyfus est condamné depuis trois ans ; le romancier connaît peu l’affaire, et écrit à sa femme, alors en Italie, qu’il n’interviendra pas, faute de compétences et de légitimité. L’examen du dossier va le faire changer d’avis.
Avant de reconstituer les circonstances de la composition de J’accuse, et d’analyser sa rhétorique, Alain Pagès détaille les raisons qui ont déterminé Zola à dénoncer une erreur judiciaire (c’est le terme que Bernard Lazare avait employé dans une brochure parue en novembre 1896) et à demander la révision du procès ; il attire aussi l’attention sur le calme et l’impression de cohésion sociale encore perceptibles à la fin de l’année 1897 : de même que, quatre ans auparavant, Zola avait fait partie, comme ses futurs adversaires Billot ou de Boisdeffre, des invités choisis par Sadi Carnot pour célébrer l’amitié franco-russe, il se retrouve le 20 décembre 1897 tenant les cordons du poêle aux côtés de Drumont lors des obsèques d’Alphonse Daudet. De Boisdeffre est encore présent, ainsi que nombre de ceux qui se déchaîneront contre Zola quelques semaines plus tard.
Dans le « drame humain » qui se décline parfois en « roman feuilleton », J’accuse, le 13 janvier 1898, s’affirme d’emblée comme une formidable péripétie. Après la série des médiateurs (Bernard Lazare, Mathieu Dreyfus, Louis Leblois, Scheurer-Kestner), un homme s’impose, et va être conduit « à assumer toute l’Affaire ». Si la lettre à Félix Faure va changer le cours des choses, elle va aussi bouleverser la vie de Zola, en le jetant dans une expérience inconnue, d’une violence inouïe ; en le condamnant et en le tenant toute une année hors de France ; en entraînant très probablement l’acte de malveillance auquel il ne survécut pas ; enfin, en le conduisant, six ans après sa mort, au Panthéon.
Les foules à l’arrière-plan de tant de romans de Zola surgissent et ne quitteront plus l’écrivain, pendant les dix ans qui séparent J’accuse de la panthéonisation. Des masses se dessinent : il y a les pour (souvent, l’avant-garde intellectuelle), les contre, les hésitants ; la presse qui se déchaîne et celle qui résiste ; la « divinisation » de Picquart, au détriment de Dreyfus, qui pâtit d’une image effacée ; les amis qui déçoivent (Rodin, pour ménager ses commandes officielles, évite désormais Zola ; Huysmans s’était déjà éloigné, tout comme Céard ; Hennique est ambigu : le groupe de Médan achève de se disloquer…) ; ceux qui, tout en étant dreyfusards, blâment Zola pour un acte qu’ils jugent révolutionnaire, donc contre-productif ; les inconnus qui écrivent spontanément au romancier, pour l’insulter autant que pour le féliciter. Dans son enquête méthodique, où les événements sont toujours replacés dans leur contexte, Alain Pagès rend compte de témoignages divers, qu’il recoupe avec d’autres documents ; de même pour le procès, où notes, images, textes sténographiés et reportages journalistiques (ceux de Séverine, notamment) sont sollicités. Il distingue aussi des étapes et des mutations au sein de ce que l’on a tendance à considérer, sans nuances, comme le « bloc » des dreyfusards.
Après l’annulation du premier procès par la Cour de cassation, pour vice de procédure, Zola en subit un second, à l’issue duquel il est condamné. Ce retour au point de départ marque un tournant dans l’Affaire. Le romancier part pour l’Angleterre dans la nuit, et son arrivée anonyme à Londres contraste avec l’accueil triomphal qu’on lui avait réservé dans cette même capitale à l’automne 1893. Pendant onze mois, pour satisfaire ses amis, il se force au silence, et ne publie rien. Il écrira à son retour, dans L’Aurore du 5 juin 1899 : « J’ai voulu non seulement être un mort, mais un mort qui ne parle pas. » Recevant Jeanne Rozerot et leurs enfants pendant deux mois, puis sa femme Alexandrine, il écrit le premier de ses Évangiles, Fécondité. Un partage symbolique s’opère, entre la « maîtrise prophétique » de l’Affaire, qui reste celle de l’écrivain, et la « maîtrise directoriale », qui revient à l’avocat Labori.
Jaurès, Clemenceau, Mirbeau, viennent aussi le voir. Car, dès la fin du mois d’août, un rebondissement va, sinon hâter le dénouement (l’Affaire se caractérise par sa durée), du moins laisser augurer une issue favorable : le colonel Henry, convaincu de faux, est arrêté et se suicide ; puis, en février 1899, la mort de Félix Faure, adversaire de la révision, et l’arrivée de son successeur Émile Loubet, qui y est favorable, conduisent à la libération de Dreyfus, condamné une nouvelle fois à Rennes en septembre 1899, mais grâcié par Loubet dix jours plus tard. En décembre, une loi d’amnistie générale est votée. Zola s’insurge, dans une lettre ouverte au nouveau président de la République, car si Dreyfus est enfin libre, la vérité est « enterrée » par cette loi.
En février 1901, le romancier publie La Vérité en marche, recueil de ses articles relatifs à l’Affaire, classés selon l’ordre chronologique. Après Travail, il achève le troisième de ses Évangiles, Vérité, qui transpose les événements passés dans le monde clos d’une institution religieuse, et quitte Médan pour Paris le 28 septembre. Le lendemain de son retour, on le retrouve sans vie dans sa chambre ; sa femme, inanimée, va survivre, et rapportera au médecin venu l’interroger quinze jours plus tard les derniers mots de son mari : « Demain, nous serons guéris. »
L’autopsie confirme la mort de l’écrivain par empoisonnement dû à l’oxyde de carbone, et l’enquête conclut à un accident. Les obsèques de Zola donnent lieu à de nouveaux déploiements de foules, et L’Aurore, dès le 1er octobre, titre sur six colonnes à la une : « Zola au Panthéon ! » Il est possible que les proches, en particulier Alexandrine, n’aient pas cru à la thèse accidentelle, mais qu’ils aient refusé, « par crainte d’un scandale inutile », note Alain Pagès, de « faire part de leurs doutes ». Mais le feuilleton va se poursuivre : un demi-siècle plus tard, en 1953, un jeune journaliste, Jean Bedel, rapporte dans Libération le témoignage d’un certain Pierre Hacquin, qui avait recueilli en 1927 les confidences d’un ami, dont il ne dévoile pas le nom : cet ami, entrepreneur de fumisterie, affirmait avoir intentionnellement bouché, avec l’aide d’un collègue, la cheminée de Zola. En 1978, le journaliste révèle son nom : il s’agit d’Henri Buronfosse.
Alain Pagès apporte de nouveaux éléments au dossier Buronfosse, poursuivant l’enquête qu’il avait entreprise il y a quelques années avec la collaboration d’Owen Morgan ; les informations récoltées permettent de cerner une personnalité complexe, et d’établir les appartenances politiques du fumiste. Enfin, une autre pièce doit être prise en considération, le témoignage d’un marbrier. Mais « l’énigme que constitue la mort de Zola est sans doute encore loin d’être éclaircie », faute de preuves autres qu’orales, même si ces témoignages cohérents ont valeur de « documents historiques ».
L’Affaire n’était pas close en octobre 1902 : il faut attendre le 12 juillet 1906 pour que la Cour de cassation annule la condamnation d’Alfred Dreyfus ; le lendemain, la Chambre des députés vote non seulement sa réintégration dans l’armée, ainsi que celle de Picquart, mais aussi le transfert des cendres de Zola au Panthéon, proposé dès la fin de l’année 1902 par Francis de Pressensé, Jaurès et Jules-Louis Breton, mais alors rejeté. Une semaine plus tard, Dreyfus revient dans la cour de l’École militaire où il avait été dégradé (cette image, abondamment diffusée, restait dans tous les esprits), pour être décoré de la Légion d’honneur. Trois mois plus tard, Clemenceau devient président du Conseil, et Picquart ministre de la guerre. La vérité et la justice ont triomphé, mais la panthéonisation de Zola n’aura lieu que deux ans plus tard, le 4 juin 1908, après de multiples débats parlementaires dont le livre révèle le détail, et au terme desquels Jaurès l’emporte sur Barrès. Zola est le quatrième écrivain à reposer dans le monument inspiré à Soufflot par la coupole de Saint-Pierre. Les foules l’accompagnent encore, l’acclamant ou le conspuant ; et de nouveau la violence, redoutée par Alexandrine, éclate : un membre de la rédaction du Gaulois, Grégori, tire sur Dreyfus et le blesse. Contre toute attente, il sera acquitté en septembre, grâce à de puissants soutiens nationalistes. À ce moment seulement, l’Affaire est terminée, et les historiens en commencent l’inventaire — inventaire parfois violemment critique, de la part de certains dreyfusards regrettant que la flamme initiale se soit noyée dans les inévitables compromissions de l’exercice du pouvoir, en ce début de XXe siècle.
Un ouvrage scientifique (plus de soixante pages de notes, notices, index…) qu’on lit comme un roman : Émile Zola, de J’accuse au Panthéon devrait rencontrer de nombreux lecteurs, au delà des universitaires littéraires et historiens. Du début à la fin, son auteur invite à réfléchir sur la signification et la résonance de l’engagement d’un homme qui trouva naturel — Péguy le remarqua — de faire passer la défense d’un innocent avant ses intérêts personnels, et qui mit tout ce qui était en lui (puissance intellectuelle, obstination, amour de la justice et de la vérité) dans ce combat, avant de reprendre le cours habituel de sa vie, c’est-à-dire pour l’essentiel le cours de l’écriture romanesque. Il invite aussi, dans une époque de surexposition médiatique conduisant aux amalgames et aux nivellements, à garder intact, vivant, le sens de cet engagement.
par Sophie Guermès
Publié sur Acta le 29 juin 2008
Notes :
1 Le centre Zola (ITEM / Université Paris III), dirigé par Alain Pagès, vient de commémorer l’événement, par l’inauguration d’une exposition, Zola au Panthéon, visible dans la crypte du monument jusqu’au 31 octobre 2008, et par un colloque (5-7 juin 2008, à l’INHA, à la BNF et au Panthéon) dont les Actes sont à paraître.
Source : http://www.fabula.org/revue/document4380.php
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